J'ai lu sur différents blogs que les spécialistes rangeaient les romans de Gianrico Carofiglio dans la catégorie du "Legal Thriller" ou "Polar Juridique". Si on fait abstraction du terme technique, on peut donc le comparer à une sorte de Scott Turow, John Grisham ou William Lashner italien. En d'autres termes, le personnage principal n'est ni un flic, ni un chasseur de prime, ni même un détective professionnel ou amateur. Guido Guerrieri, son héros, est avocat au barreau de Bari, le fameux port des Pouilles. A ce titre, il défend Fabio Paolicelli, accusé de trafique de drogue. Bien-sûr son client prétend être innocent.
Dans cette histoire, Guido Guerrieri se trouve face à un dilemme. Paolicelli n'est-il pas ce délinquant fasciste, surnommé "Fabio Ray-Ban", dont les complices lui avaient administré une raclée mémorable voici plus de 25 ans ? Peut-il défendre l'homme qui a anéanti ses illusions d'adolescent et bousillé sa plus belle parka ? Par ailleurs, l'accusé a déjà perdu son procès en première instance. Assailli par le doute, notre magistrat s'apprête à refuser l'affaire... jusqu'à l'entrée en scène de Natsu Kawabata, la femme de Paolicelli. Séduit par cette belle italo-japonaise, Guido Guerrieri finit donc par céder, en dépit de l'issue désastreusement évidente de la procédure d'appel et des faits qui accablent son nouveau client. En effet, Paolicelli a été arrêté à son retour de vacances au Monténégro alors qu'il tentait de traverser la douane au volant d'un véhicule bourré de drogue. Il prétend qu'elle ne lui appartenait pas et qu'elle y a été placé à son insu durant son séjour à l'hôtel. Par ailleurs, la présence de sa femme et de sa fille, lors de l'arrestation, l'aurait incité à passer aux aveux, malgré son innocence, pour les soustraire à la prison (pour la première) et un placement en famille d'accueil (pour la seconde). Si l'avocat reste sceptique, il doit néanmoins s'acquitter de son travail. La question est : comment prouver que son client est victime d'un complot de la mafia ?
Dans la vraie vie, Gianrico Carofiglio participe à la lutte anti-mafia, de part sa fonction de juge, et à la politique de son pays, en tant que député du Partito democratico. L'intérêt de son roman est qu'il nous fait profiter de son expérience des cours de justice italiennes. Le lecteur est totalement immergé dans ses rouages, depuis l'enquête préliminaire du magistrat jusqu'à sa plaidoirie lors du procès.
Dans un article du Nouvel Obs, on apprend que le juge Gianrico Carofiglio est d'une timidité maladive et qu'il compense ce handicap grâce à la pratique du karaté. Sans doute rassuré par le développement de ses muscles d'acier, le magistrat italien s'est décidé à prendre la plume en 2002 et a créé Guido Guerrieri. Ce magistrat, qui se distingue par un caractère quelque peu mélancolique et une sensibilité politique penchant largement à gauche, apparait successivement dans Témoin involontaire (Rivages, 2007) et Les Yeux fermés (Rivages, 2008). Un autre de ses personnages récurrents, l'inspecteur Carmelo Tancredi, revient dans un roman graphique que Gianrico Carofiglio a publié en collaboration avec son frère, Francesco (Cacciatori nelle tenebre, Rizzoli, 2007).
Titre: Les Raisons du doute
Version originale: Ragionevoli Dubbi
Auteur: Gianrico Carofiglio
Editeur: Seuil
Parution: mars 2010
Nombre de Pages: 262