Sans faire se lancer dans une inutile biographie d'Agatha Christie il faut peut-être rappeler que La Mystérieuse affaire de Styles (The Mysterious Affair at Styles, en anglais, ne se plie pas au jeu de mots français), écrit en 1917 et paru en 1920, inaugure la carrière littéraire de la "Reine du crime". Il s'agit donc de la première enquête nécessitant l'intervention du dandy moustachu, Hercule Poirot.
La guerre a obligé le détective belge à se réfugier en Grande-Bretagne avec plusieurs de ses compatriotes. Installé à Styles dans l'Essex, il est sollicité par l'une des ses connaissances, Arthur Hastings, pour enquêter discrètement sur l'étrange décès de la châtelaine: Mrs Inglethorp. Une partie de ses proches pensent en effet qu'elle a été victime d'un empoissonnement criminel. Les soupçons se tournent immédiatement vers son nouvel époux, de 20 ans son cadet, Alfred Inglethorp. Pourtant, il apparaît au fil de l'enquête que la mort de la vieille dame profite à plus d'un membre de sa famille ou de son entourage. Hercule Poirot va devoir triturer ses fameuses petites cellules grises pour reconstituer le puzzle meurtrier, avant de convoquer en huis clos (comme il deviendra la tradition dans les romans de la série) l'ensemble des protagonistes pour révéler l'insoupçonnable (?) solution. En réalité, Agatha Christie s'ingéniait toujours à prendre la règle essentielle du "whodunit" (littéralement "qui l'a fait?") à contre-pied, si bien que celui qu'on innocente d'instinct n'est effectivement pas le coupable. Mais, comme chacun sait, le sel de son œuvre réside dans le fait que chaque protagoniste cache d'indicibles secrets et apparaît tour à tour comme le meurtrier idéal. Reste à démêler la pelote des événements.
Au rique d'offusquer les lecteurs qui apprécient le charme désuet des romans d'Agatha Christie, je dois confesser que je la trouve profondément ennuyeuse. D'une part, je ne suis pas grande amatrice des Whodunit dont le principe consiste à fournir au lecteur quelques indices épars et condenser l'essentiel de l'intrigue dans le dernier chapitre. D'autre part, les livres de la Reine du crime reposent sur un recyclage invariable de personnages et de mobiles, à savoir des bourgeois ou des aristocrates, des orphelines désargentées, des aventuriers, et des domestiques poussés à commettre l'irréparable pour des questions d'héritages, de mésalliances ou d'amours contrariés. Enfin, le procédé qu'il est convenu d'appeler les multiples rebondissements force l'auteur à recourir à des artifices souvent tirés par les cheveux. J'imagine que ces éléments font partie du consensus qui unit Agatha Christie aux amateurs mais on a aussi le droit de ne pas y adhérer. Comprenez moi bien: je ne conteste pas le statut de précurseur de la romancière britannique et je garde à l'esprit que le début du 20ème siècle ne bénéficiait pas des attraits du test ADN et autres ingénieux outils scientifiques. Néanmoins, s'il fallait choisir, je conserverais une préférence certaine pour l'un des plus célèbres prédécesseurs d'Hercule Poirot: le grand Sherlock Holmes.
Titre: La Mystérieuse affaire de Styles
Version originale: The Mysterious Affair at Styles
Auteur: Agatha Christie
Editeur: Editions du Masque
Parution : 2007 (réédition)
Pages : 222