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Tranchecaille - Patrick Pécherot

1917, France, la première guerre mondiale s'enlise, c'est encore le temps des offensives et contres-offensives stériles. La chaire à canon se rebiffe, le soldat redevient Homme et les mutineries éclatent. Lors d'un assaut, un lieutenant français est tué. Rien de neuf et pourtant... C'est un mort franco-français: un soldat français a tué son officier.

Très vite les soupçons se portent sur l'énigmatique soldat Jonas, alias Tanchecaille. Benêt, manipulateur, jovial, sombre, Jonas est le parfait coupable, d'autant plus qu'il s'est déjà plusieurs fois fait remarquer par sa hiérarchie. Jonas est coupable et maintenant il doit être jugé devant un tribunal militaire. On lui assigne un défenseur, le capitaine Duparc assisté du caporal Bohman un détective privé dans le civil. Ils n'ont que quelques jours pour préparer la défense de l'accusé et lui éviter la condamnation déjà décidée par l'état major.

Il est difficile d'innover avec la première guerre mondiale. On décrit habituellement l'horreur, la boue, la douleur, le froid, la bestialité, la faim, la mort, l'odeur, le fracas, la sublime absurdité. Tous ces mots collent à ce conflit et il est difficile d'y échapper pour faire quelque chose de nouveau voire d'original. Pas besoin d'être original quand on parle de guerre, diront certains. Oui, mais. Tranchecaille n'est ni un récit de guerre, ni un livre de témoignages, ni un livre d'histoire. C'est un roman: un récit policier imaginé dans un cadre historique. Patrick Pécherot se sert habilement de ce cadre pour construire son intrigue policière. La guerre est un endroit formidable pour un écrivain, on y retrouve, condensé dans l'espace toutes les classes d'une société, tous les caractères, humeurs et attitudes. Une tranchée devient le huis clos d'une humanité.

Patrick Pécherot construit sont histoire d'une manière habile. Nous suivons l'enquête de près, chaque chapitre est consacré au témoignage d'un témoin: un compagnon de régiment, un officier supérieur, un camarade du même village, le médecin du régiment, un fille à soldat, des parisiens loin du front... S'entre-mêlent la lassitude de la guerre, le nationalisme naïf ou crétin des civils, le fossé social entre soldats et officiers que même une guerre ne semble pas pouvoir atténuer (bien au contraire). A chaque chapitre son témoin, à chaque chapitre sa couleur et son langage. Construction d'autant plus habile, que jamais nous n'entendons le capitaine Duparc. Il pose des questions que nous ne lisons pas, nous nous contentons des réponses. Ainsi, il n'y a pas de modération et chaque témoignage n'en est que plus entier. Il en ressort ainsi une galerie de personnages, témoins d'une affaire criminelle mais aussi témoins de l'époque, tantôt émouvants, tantôt drôles, tantôt grinçants.

La vraie réussite de ce livre est d'être une vraie enquête policière (avec les rebondissements qui l'accompagnent) . La guerre en n'est que le cadre et en reste le cadre. Patrick Pécherot évite ainsi bon nombre de poncifs qui n'auraient rien apporté à l'intrigue principale. Ce livre est d'une lecture agréable et facile. On ne peut éviter, en le lisant, de repenser aux classiques du genre, des Sentiers de la Gloire au Pantalon Rouge en passant par le moins classique L'obéissance.

Titre: Tranchecaille
Auteur: Patrick Pécherot
Editeur: Folio Policier
Parution: 23 avril 2010 (Série noire de Gallimart en Novembre 2008)
Page: 312

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