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Arbre de fumée - Denis Jonhson.

Denis Johnson m'avait époustouflé avec son roman Déjà Mort publié il y a quelques années. Cet enthousiasme m'a permis de ne pas me laisser impressionner par les 900 pages de L'arbre de fumée. Ce livre reprend 20 ans d'histoire des Etats-Unis, de 1963 à 1983, à travers des portraits croisés de jeunes américains et américanisés perdus dans un monde évoluant vers un non sens.

Ce livre est difficile à aborder. N'en déplaise aux critiques littéraires, le style de Denis Johnson est perturbant. Les 150 premières pages de ce livre sont difficiles à suivre. Nous sommes tout de suite perdus dans un fatras de personnages aux attitudes les plus étranges. On retrouve, ici, la passion de Denis Johnson pour les personnages décalés, névrosés, paumés...

Si l'essentiel le l'action se passe au Vietnam, on ne peut qualifier ce livre de roman de guerre, d'espionnage ou tout autres qualificatifs pouvant renvoyer à une action quelconque. Ce livre est lent, amollissant à l'image de l'environnement. Le récit est saccadé, il mêle les fragments de vie des différents personnages: Skip Sands, un jeune chien de la CIA arrivé au Vietnam pour sauver le monde. Il se rend compte progressivement qu'il a mis les doigts dans l'engrenage d'une machine dont l'unique but est de broyer les Hommes. Les frères Houston (apparus dans Des Anges du même Johnson), des paumés venus au Vietnam pour échapper à la vie conventionnelle, étriquée, et sans espoir que leur proposent les USA. Kathy, une humanitaire canadienne venue soumettre sa foi à une épreuve trop grande pour elle. Des Vietnamiens alliés des Américains retournant leurs vestes avec l'avancée Vietcong, des Vietcongs retournant leurs vestes pour fuir un pays qu'ils pensent perdu. Crodelle et Voss, agents paranoïques et manipulateurs de la CIA, en guerre contre qui n'est pas à leur service. Storm, le soldat inarrétable formaté, soumis à son maître et colonel jusqu'après la mort. Fest un tueur indépendant en quête de reconnaissance, obnubilé par son père.
Et le personnage clef du roman, le créateur de l'arbre de fumée, le Colonel Sands, oncle du précédent, aventurier, barbouze, gourou psychédélique, philosophe de l'action, théoricien d'une nouvelle forme d'espionnage: la désinformation totale conduit à la vérité. Saupoudrez le tout, de prêtres catholiques, de missionnaires protestants, de protecteurs des animaux, de soldats déserteurs, de prostituées, de fanatiques de la guerre... vous avez votre "arbre de fumée".

Tous ces personnages se croisent, parfois sans même interagir, pour former une histoire étrange et confuse. Une directe application du concept du colonel: de la désinformation et du désordre pourront être extrait la vérité. Il en ressort un sentiment de vide, un malaise; une société qui évolue avec méthode et détermination vers un non sens profond. Tous les personnages agissent avec raison et cohérence mais par défaut d'une compréhension globale, toutes les actions s'annulent entre elles et ne mènent à rien. C'est un malheur construit et programmé que nous propose Denis Johnson dans ce roman.
J'avoue avoir vraiment du mal à trouver dans ce livre un portrait de jeunes à travers la guerre du Vietnam, ou le fameux «Comment la guerre transforme les jeunes en inadaptés de la vie» comme je peux le lire dans de nombreuses critiques qui fleurissent sur le net. Johnson prend à la base des personnages qui sont déjà perdus. La guerre est pour eux un relaxant, une chose sûre et rassurante. Ils sont normaux dans le conflit vietnamien. Et si on doit voir une critique dans ce livre , elle est contre la société civile qui produit ce genre de situation. L'Arbre de fumée traite de la vie civile (religiosité exacerbée, éducation défaillante, inégalités...) plus que de la guerre ou de l'espionnage qui ne sont au final que des révélateurs de malaises. Je pense que le dernier chapitre est assez clair sur ce point (sans doute même le chapitre le plus clair du roman).

Alors faut-il lire l'Arbre de fumée? Je ne pourrai le conseiller: sa lecture est beaucoup trop difficile. La construction complétement explosée et l'absence d'intrigue n'aident vraiment pas le lecteur. Il vaut mieux se tourner vers d'autres romans de Denis Johnson (comme Déjà Mort) pour découvrir cet auteur. Les amateurs d'Hubert Shelby Jr. pourront, sans doute, y retrouver quelques désespoirs. Une chose est certaine, l'Arbre de fumée n'est certainement pas un roman de plage ensoleillée, à moins, bien sur, d'être actuellement sur une plage de Louisiane.


Titre: Arbre de fumée
Auteur: Denis Johnson
Editeur: 10/18
Parution: Mars 2010 (édition: 2008 Christian Bourgeois)
Pages: 896

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