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Quai des enfers - Ingrid Astier

J'ai rarement un ouvrage qui suscitait autant de décalage entre l'opinion du lecteur Lambda et celui des professionnels du livre. D'un coté, il y a les articles plutôt élogieux de la presse et les récompenses littéraires comme celle accordée par la Société des Gens de Lettres (Prix Paul Féval 2010); de l'autre, les critiques que l'on peut lire sur les blogs amateurs.

Tandis que les journalistes prétendent qu'Ingrid Astier a su créer une ambiance à la Simenon; les Internautes jugent l'intrigue aussi froide et procédurière qu'un épisode de la série télévisée Les Experts. Les uns comparent le commandant Jo Desprez à un Maigret friand de Blanquette de veau à la vanille; les autres s'étonnent que les flics aient autant d'esprit et ressemblent à des gravures de mode, plutôt qu'à des bœufs illettrés.

J'aimerais bien, moi aussi, dire du mal de ce polar parce c'est beaucoup plus amusant que de se laisser aller à des remarques dithyrambiques. Malheureusement, je dois admettre que je ne l'ai pas trouvé ennuyeux, bien au contraire. Les digressions sur l'histoire de Paris ou sur la géographie des quais de Seine (la Brigade criminelle du quai des Orfèvres, la Brigade fluviale du quai Saint-Bernard, L'Institut médico-légal de Paris sur le quai de la Rapée, la Maison de la Mouche de l'île Saint-Louis, les SDF du pont Louis-Philippe, etc)... tous ces détails m'ont passionnée.
Je n'ai pas été choqués non plus par l'aspect « photogénique » des victimes (de jeunes femmes évoluant dans le milieu des arts et de la mode), ni par le génie des artistes gravitant autour d'elles (un directeur artistique, un parfumeur et un chanteur), ni même par les flics gastronomes, mégalomanes, bibliophiles ou dandys qui se succèdent au fil des pages. Le crime, ici, est envisagé comme une sorte d’œuvre d'art néo-gothique, inspirée d'un tableau de Lord Lawrence Alma Tadema, Les Roses d’Héliogabale. Cette idée n'a d'ailleurs rien de nouveau : le romancier anglais Thomas de Quincey y avait pensé dès le 19ème siècle dans ouvrage intitulé De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts.
Plusieurs blogueurs ont rappelé qu'Ingrid Astier était une amie du parfumeur Jean-Michel Duriez (le "nez" de Jean Patou), dont elle se serait inspiré par le personnage de Camille Beaux, et auteur de livres de cuisine. A ce double titre qu'elle appliquerait une sorte de formule ou de recette du succès. Une fois de plus, je partage pas cette opinion. En réalité, j'ai apprécié l'originalité et la consistance de ses personnages, qui changent un peu des policiers scandinaves alcooliques et désabusés.
Bref, sans aller jusqu'à dire que ce premier polar d'Ingrid Astier est un chef d’œuvre qui marquera durablement les annales de la littérature de genre, il me semble que c'est un ouvrage honnête et de bonne facture méritant un petit détour de lecture et son entrée dans la prestigieuse Série Noire. Rappelons enfin, qu'en dépit des critiques que nous avons relevées, Quai des Enfers, publié en janvier 2010 à 10 000 exemplaires, a été réédité depuis à trois reprises.

Quai des enfers de Ingrid Astier (Folio Policier, février 2012, 416 pages)

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