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A quoi sert la Rentrée littéraire ?

Il est impossible d'y échapper: c'est la grande spécificité française qui fait rire tous ses voisins, c'est l'exception qui confirme la tradition (formule d'un profond sens n'est-il pas?), c'est la rentrée littéraire. Chaque automne et durant 3 mois, éditeurs, libraires et critiques littéraires se mobilisent pour vendre, produire, vendre, disséquer et vendre un maximum de publications.

Pourquoi tant de haine de la littérature? Sans doute pour écouler des bousins commerciaux aux vacanciers. En effet quelle étrange habitude de vendre des livres au moment où les gens sont les moins disponibles! A moins que ce soit indigne de faire des tâches de crème solaire sur les couvertures jaunes d'un Gallimard. Ou peut-être mystère de l'évolution, les livres littéraires ne supportent pas le soleil: des elzévirs vampiriques.
Cette déferlante saisonnière a:
- ses champions, Amélie Nothomb («Le Voyage d'hiver»), pour n'en citer qu'une, nous gratifie d'un sésame à chaque rentrée;
- ses buzz: cette année, c'est Frederic Beigbeder qui s'y colle avec un superbe roman autobiographique («Un roman français») alors que d'habitude il n'écrit que sur lui;
- ses divulgations de secrets politiques: Ben Laden et sa bande dessinée («Ben Laden dévoilé») sponsorisé par Youtube;
- ses habitudes: publier Stephenie Meyer pour les fêtes de fin d'année et Guillaume Musso ou Marc Levy avant les vacances d'été.

Pour la rentrée 2009, c'est encore 659 romans français et étrangers qui seront publiés. Or, malgré les idées reçues, le chiffre d'affaires de l'édition ne crève pas le plafond entre mi-août et fin novembre: les manuels scolaires et les classiques prescrits par les enseignants l'emportent largement sur les nouveautés romanesques et bon nombre de titres finissent au pilon. Alors, à quoi sert la rentrée littéraire ?

Le premier objectif, des éditeurs, est d'assurer l'entrée en lices de leurs poulains pour les plus prestigieux Prix littéraires, à savoir le Grand Prix du Roman de l'Académie Française, le Prix Goncourt, le Prix Interallié, le Renaudot ou le Médecis. Médicis, un nom prédestiné pour un prix culturel: les chantres du collectionnisme entre papes et banquiers.

La critique facile est de trouver une raison purement lucrative aux Prix littéraires qui sont extrêmement vendeurs indépendamment de l'ouvrage consacré. Ces livres couronnés s'arrachent durant la période la plus profitable: le mois de décembre. A croire que le principal objectif de la Rentrée littéraire est bien de préparer le terrain pour booster les chiffres de fin d'année. Si vous ne faites pas de liste de Noël, vous risquer de vous retrouver avec un Goncourt. De là à conclure que le grand challenge de la Rentrée littéraire est de vendre et faire offrir des livres à ceux qui n'en lisent pas mais qui possède de belles bibliothèques mondaines, il n'y a qu'un pas qu'on franchir aisément.

Mais peut-être pouvons-nous voir plus loin. La rentrée littéraire est également le seul moment de l'année où on entend parler de littérature sur les médias de masse, jusque dans les journaux télévisés des grandes chaînes privées pour tout dire. Il faut faire le poids, 659 (dont 430 romans hexagonaux) d'un coup, ça marque les esprits, ça flatte l'égo de tous. Quatre cent trente livres écrits en français, quelle vivacité culturelle, quelle lumineuse intelligence française, quelle fierté. Ça mérite bien deux minutes par-ci par-là. Le discours sur l'inutilité de lire s'estompe: pourtant lire empêche toujours de regarder la télévision, mais le sensationnalisme l'emporte: 659! Mais 659 publications, c'est sans doute 609 sacrifiés sur l'autel de la communication. Auteur, entends-tu le vol noir du pilon qui se déchaîne? La littérature, n'existe pour le grand public que parce qu'elle est victime d'un génocide, d'un suicide collectif sectaire. Voilà, où nous en sommes réduits. La rentrée littéraire est l'échec de l'esprit face au monde.

Je suis vieille école, je lis. Je suis un asocial, je ne m'intéresse pas la rentrée littéraire. Je suis un crétin, je n'achète pas les prix littéraires.

Michey et Esperluette

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