Romans policiers (+ PLUS)

L’Armée furieuse - Fred Vargas

Déjeunant en face de l’entrée de la brigade criminelle, Adamsberg aperçoit une petite femme, frêle et discrète, la soixantaine, avec une blouse à fleur à l’allure bien provinciale, qui stationne depuis une heure sous le soleil. Elle n’est pas la seule, il y a aussi un pigeon immobile sur le trottoir.

Tandis qu’il recueille le volatile, dont les deux pattes ont été attachées avec de la ficelle pour l'empêcher de s'envoler, il écoute distraitement la petite dame, Valentine Vendermot, venue de sa Normandie profonde tout spécialement pour le voir, conseillée par le vicaire, lui raconter que sa fille Lina a aperçu un soir L'armée furieuse. Que cette apparition est synonyme de morts violentes à venir et que déjà un certain Herbier a disparu. La vision de sa fille sème le trouble dans la petite ville d’Ordebec (Calvados) et met en danger les membres de sa famille.

Alors qu’il vient tout juste de résoudre un meurtre à la mie de pain, ces vieilles croyances n’intéressent pas Adamsberg qui veut surtout retrouver l’enfant de Marie qui a attaché les deux pattes du pigeon, sans oublier qu’il veut prouver l’innocence d’un petit malfrat, Momo, accusé d’avoir incendié la belle et grosse voiture d’un magnat de l’industrie, ce dernier ayant été retrouvé carbonisé à l’intérieur du véhicule.

Mais pour mener à bien ses enquêtes, il part malgré tout à Ordebec pour y rencontrer Lina et ses trois frères, dont l’un parle à l’envers. Il fera la connaissance de Léo une vieille originale un peu sorcière un peu comtesse, du capitaine de gendarmerie Emeri descendant du maréchal d’Empire Davout et duc d'Eckmühl, d’un vieux Comte au bras long, d’un chien, Flem, amateur de sucre.

Il n’y va pas seul, il emmène Danglard, Zerk et le pigeon, ainsi que Momo qu’il cache pour le soustraire à la justice des puissants.



L'Armée Furieuse ou la Mesnie Hellequin, est une légende remontant au moyen-âge, on en retrouve la trace dès la fin du XIème siècle en Normandie. Elle est présente dans de nombreux pays européens, principalement d‘Europe du Nord. Suivant l’endroit elle prend des noms différents le Carrosse du roi Hugon, la Chasse nocturne, la Chasse Arthur, la Chasse du Comte Rouge, la Chasse du Chasseur Sauvage, la Grande Chasse…

Ceux sont des chevaliers morts-vivants, mutilés, « à moitié putréfiée, hurlante et féroce », chevauchant nuitamment et emportant avec elle les « Saisis », de mauvaises personnes à l’âme noire, meurtriers, profiteurs de tous poils, voués à l’enfer . Ils sont alors condamnés à errer éternellement entre le monde des vivants et celui des morts. Pour leur rédemption, leur seule issue une fois désignés, le repentir et le suicide, preuve de leurs torts.

Ce que j’aime chez Fred Vargas, c’est sa capacité à intriquer naturellement le fantastique au réel. On finit par croire que l’on est ailleurs, dans une dimension parallèle où tout est possible. Elle avait déjà poussé très loin cette prouesse dans son précédent ouvrage, « Un lieu incertain » paru en 2008, et pourtant cette fois ci encore elle étonne. Je suis complétement conquis par son talent.

Le seul reproche que je ferai est qu’à la fin de la lecture, quand on referme le livre, on est un peu orphelin, on se retrouve dans l’attente, dans l’attente du prochain.

Dans ce roman, point de trace de Camille mais Zerk le fils du commissaire Adamsberg. N’ayant fait connaissance que peu de temps auparavant (cf « Un lieu incertain ») ils apprennent doucement à se connaître et l’on se rend compte qu’en fait ils se ressemblent sur bien des points. Zerk fait partie intégrante de l’histoire et avec la même nonchalance que Jean Baptiste, il va lui prêter main forte sans même sembler y réfléchir.

On retrouve évidemment la brigade de police hors norme du commissaire Adamsberg avec ses membres tous plus bizarre les uns que les autres, voire cassés, le commissaire toujours dans les nuages avec sa tenue négligée et ses fautes d'orthographe, faux lent et vrai stratège qui me fait un peu penser à Columbo ne s’intéressant qu’aux détails infimes et oubliés de tous, le commandant Danglard érudit et fan de vin blanc, une boulimique, un hypersomniaque, un ichtyologue, Violette Retancourt un femme lieutenant que rien n’arrête, Veyrenc le versificateur endiablé, un spécialiste du café, un chat qui dort sur la photocopieuse....

Une nouvelle fois Fred Vargas nous apporte un roman qu’on ne peut lâcher, avec ses personnages singuliers, décalés, mal foutus, non conformes mais présents, simples et « gentils », hors du commun, rustres mais attachants. Un nouveau grand cru pour cette auteure qui arrive à me surprendre et me passionner à chacun de ses romans. Et si l’on ne peut arrêter l’armée furieuse, rien non plus ne m’empêchera de lire les prochaines aventures du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, en espérant qu’il ne faille pas de nouveau attendre trois ans …


Extrait en PDF : https://www.viviane-hamy.fr/pdf/p-263-1.pdf


Fred Vargas
Née en 1957, passionnée d'histoire et d'archéologie, Frédérique Audoin-Rouzeau a reçu pour son premier polar, Les jeux de l'amour et de la mort (1986), signé Fred Vargas, le prix du Roman policier du Festival de Cognac. Depuis, sa notoriété n'a cessé de grandir, avec Debout les morts (1995) ou Sous les vents de Neptune (2004). A ses yeux, le roman policier renoue avec les peurs ancestrales et permet de les exorciser, explique son éditrice Viviane Hamy. Elle est maintenant l'un des auteurs français les plus lus dans le monde.

Tekiro





Imprimé depuis Cafeduweb - Lecture (http://lecture.cafeduweb.com/lire/13068-armee-furieuse---fred-vargas.html)