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Le village aux huit tombes - Yokomizo Seishi

Yokomizo Seishi (1902-1981) est l’un des précurseurs du roman policier japonais (suirishousetsu) avec Edogawa Rampo (1894-1965). Son héros, le détective Kôsuke Kindaichi, est parmi les personnages les plus populaires de la littérature policière nipponne. Il apparait pour la première fois en 1946 dans Le meurtre dans le Honjin(Honjin satsujin jiken) puis dans Le meurtre du papillon (Chōchō Satsujin Jinken). Ses aventures ont été adaptées au cinéma par Kon Ichikawa (1915-2008) et ont inspiré les mangas de Yōzaburō Kanari (scénario) et Fumiya Satō (dessins), Les Enquêtes de Kindaichi, publié en France chez Tonkam.

Le Village aux huit tombes (Yatsu hakamura), publié en 1951, est paru à l’écran en 1996 avec Etsushi Toyokawa dans le rôle de Kôsuke Kindaichi. A ce jour, deux autres romans de Yokomizo Seishi ont été traduits en français : La Ritournelle du démon (Picquier poche, 1998, 259 pages) et La Hache, le koto et le chrysanthème (L'Imaginaire Gallimard, 2007, 360 pages).

Le village aux huit tombes débute par un prologue où le lecteur découvre l’origine morbide du nom de la fameuse bourgade. Comme on l’imagine, le lieu a été le théâtre de drames sanglants. Le premier remonte au 16ème siècle. Huit samouraïs rebelles se sont réfugiés dans cet endroit isolé au milieu des montagnes pour échapper à leurs poursuivants. Ils transportent un fabuleux trésor qui causera bientôt leur perte. Les villageois, d’abord accueillant, décident en effet de s’emparer du butin. Les guerriers sont assassinés mais le trésor reste introuvable. Quelques siècles plus tard, le village est secoué par une nouvelle tragédie. Nous sommes dans les années 1920. Yôzô Tajimi, chef d’une des deux plus puissantes familles, s’entiche d’une villageoise qu’il force à céder à ses avances brutales. Lorsque celle-ci tente de lui échapper, Yôzô est pris d’une folie meurtrière qui se solde par 32 victimes innocentes. Dès lors, chacun est persuadé que le village est frappé par une malédiction. La théorie semble se confirmer 28 ans plus tard, lorsque le fils illégitime de Yôzô et de sa malheureuse maîtresse rentre dans son village natal.
A ce stade, Tatsuya Terada ignore tout de ses véritables origines. Il a été contacté par un avocat de Kobê, prétendant qu’il était le seul héritier des Tajimi. Les premiers contacts du jeune homme avec des représentants du village, son grand-père et son demi-frère, se soldent par deux empoisonnements mortels. Sa situation est d’autant plus inconfortable que les paysans sont persuadés qu’il a hérité de la folie de son père.
C’est seulement après le second assassinat que notre héros, le détective Kôsuke Kindaichi, entre en scène. L’histoire nous est néanmoins rapportée par Tatsuya Terada.

Par certains aspects Le village aux huit tombes n’est pas sans rappeler La hache, le koto et le chrysanthème, paru en 1959. Il y est également question d’héritage et de luttes familiales. Par ailleurs, on y trouve des personnages similaires comme la belle étrangère et l’homme de loi, ainsi qu’un antagonisme marqué entre les méchants et les gentils. Les protagonistes ne sont pas pour autant caricaturaux puisque certains cachent leur jeu, tandis que les autres peuvent dissimuler leur gentillesse derrière un masque peu avenant. En résumé, le roman est loin d’être aussi candide qu’il ne le parait au premier abord. L’œuvre de Yokomizo Seishi est souvent matinée de fantastique, à l’instar des nouvelles policières d’Okamoto Kido. On sait qu’il était un grand amateur de polars occidentaux, et en particulier du romancier américain John Dickson Carr (1906-1977). Cela se sent car l’intrigue est parfaitement ficelée.

Le village aux huit tombes de Yokomizo Seishi (Picquier Poche, 1999, 372 pages)


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