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Ru - Kim Thúy

Ru, le premier roman de Kim Thúy est sorti au Canada en 2009 où il a reçu un excellent accueil avant d’être traduit dans plusieurs langues. En France, il a été récompensé par le Grand Prix RTL-Lire 2010. Roman d'inspiration autobiographique, selon son auteur, ou opus poétique, selon d'autres, il tient son originalité de sa forme. La construction du livre fait penser à un journal intime, composé de courts chapitres (2 pages au maximum) où Kim Thúy laisse vagabonder ses pensées, évoquant l'histoire de sa famille depuis l'offensive du Têt, pendant la guerre du Vietnam, jusqu'à aujourd'hui. Les entrées de chaque chapitre reprennent la dernière idée du précédent à la manière d'une ritournelle: "Ru", signifie "petit ruisseau" en français, et "berceuse" en vietnamien.

Comme la narratrice de Ru, Nguyễn An Tịnh, Kim Thúy est née en 1968 à Saigon (renommée Hô-Chi-Minh-Ville en 1975). Issue d'une famille aisée, elle se joint à un convoi de 200 Boat People et quitte son pays natal à l'age de 10 ans. Après une longue escale dans un camp de réfugié en Malaisie, la petite fille, accompagnée de ses frères et de ses parents, débarque dans la bourgade de Granby au Québec. En dépit de la générosité de ses habitants, le fossé culturel est grand entre les rescapés du golfe de Siam et les bons samaritains des Cantons-de-l'Est. La petite fille ne sait ni parler français, ni se servir d'une fourchette, ni faire la différence entre les vêtements d'été et ceux d'hiver. Temporairement sourde et muette, puis un peu aveuglée par le grand rêve américain, elle poursuit néanmoins sa route, guidée par sa mère, sa maîtresse canadienne, sa copine de classe, ses voisins et son innombrable parentèle (cousins, cousines, tante et oncle numérotés par ordre de naissance, ainsi que le veut la coutume vietnamienne). Kim Thúy vit aujourd'hui à Montréal. Avant de se mettre à l'écriture, elle a exercé de nombreux métiers (couturière, traductrice, interprète, avocate et restauratrice).

Son récit est emprunt de mille sensations (odeurs, couleurs, images, etc) qui sont autant de prétextes à évoquer ses souvenirs d'enfance, mais aussi sa vie de femme et de mère. La guerre du Vietnam est à la fois omniprésente et absente. Fugace image d'horreur, elle cède toujours la place aux anecdotes familiales. La réquisition de la demeure familiale par les soldats communistes se transforment en une scène pleine de fraîcheur au cours de laquelle un jeune militaire, confondant les soutiens-gorges importés de France, s'interroge sur la nécessite de posséder autant de filtres à café... doubles, qui plus est ! Plus loin, elle s'amuse gentiment de la naïveté de son professeur Nord-américain, qui lors d'une sortie éducative, se propose de faire découvrir les mouches à ses élèves vietnamiens... les mouches, ils les ont côtoyées par grappes entières dans les insalubres camps malaisiens. Kim Thúy évoque ses héros, comme ce petit garçon pauvre qui aurait pu voler l'or que les parents de Tịnh/ Kim avait caché en prévision de leur fuite, et s'offrir une vie meilleure. Il n'en a rien fait, risquant même sa vie pour le leur remettre en main propre à la barbe des soldats communistes. Kim Thúy émeut profondément, tantôt avec humour, tantôt avec poésie ou, à l'inverse avec une grande économie de mots, parfois même avec sécheresse,.

Ru de Kim Thúy (Piccolo, août 2011, 143 pages)


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