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Rentrée littéraire 2011 : vive les livres de poche !

Plutôt que de réitérer nos habituelles récriminations contre la Rentrée littéraire, nous avons décidé de nous intéresser au festival off ou à la rentrée littéraire bis, à savoir celle des livres de poche. Les Poches coûtent moins chers (6euros en moyenne), ensuite ils économisent du papier et prennent moins de place dans les bibliothèques (le format standard est de 10 cm sur 17). Ils permettent également de prolonger la durée de vie de certains titres dans les rayons des librairies et offrent une session de rattrapage aux lecteurs débordés. Enfin, les nouveautés éditées directement en poche ont augmenté de 35% en dix ans. Les inédits représentent, par exemple, 20% des titres parus chez Pocket et 50% chez 10/18.

Il faut reconnaître aussi que les éditeurs ont fait quelques efforts de créativité ces dernières années. On peut citer, par exemple, la création en juin 2010 de la collection La lettre et la plume, aux éditions Le Livre de Poche, spécialisée dans la correspondance, les mémoires et les journaux intimes. En janvier 2011, GF Flammarion a édité trois ouvrages intitulés Baudelaire journaliste, Zola journaliste et Gautier journaliste qui proposent une sélection de textes et d'article annotés de ces grands auteurs du 19ème siècle. Bien-sûr, toutes les initiatives ne sont pas des réussites. Je pense en particulier à la collection Point Deux (.2) au Seuil qui propose une lecture laborieuse à un prix prohibitif (en moyenne deux fois le prix d'un livre de poche traditionnel).
En tout cas, l'offre s'est considérablement diversifiée et certaines collections sont très spécialisées, comme Milady, la collection de poche de Bragelonne dédiée à la science-fiction, l'horreur et la fantasy; La Petite Bibliothèque du Voyageur chez Payot; Picquier Poche, consacrée aux livres d'Asie; "Le goût de..." au Petit Mercure, une série d'anthologies littéraires consacrées à des villes, des régions et des pays; ou encore Polars en Nord chez Ravet-Anceau. En ce qui concerne les essais, on pourrait mentionner les collections d'histoire des éditions Fayard (Pluriel), Tallandier (Texto), Perrin (Tempus) ou Belles Lettres (La véritable histoire de...). D'autres encore, se sont spécialisés dans des formats à prix réduits, comme Flammarion et sa collection Librio ou Fayard et sa collection Mille et une nuits.

Les éditeurs communiquent beaucoup moins sur la rentrée des poches et les critiques littéraires les ignorent, puisqu'ils sont focalisés sur les nouveautés en grand format. Il faut savoir que celle-ci débute plutôt au mois d'octobre (soit deux mois plus tard) pour ne pas faire concurrence aux Primo-éditions. Par ailleurs, il faut compter en moyenne un à deux ans avant qu'un livre ne soit réédité en poche. Ce délai est réduit à 6 ou 9 mois pour les essais et documents. Par exemple, Les jeux de la nuit de Jim Harrison, publié chez Flammarion en septembre 2010, reparait en J'ai Lu en septembre prochain; tandis que les éditions Liana Levi rééditent dans la collection Piccolo, Ru de Kim Thuy, Grand prix RTL/Lire en 2010.
Si la rentrée littéraire des grands formats boude les rééditions (elles sont généralement repoussées aux mois de janvier et février, soit après la distribution des prix littéraires les plus prestigieux), celle des poches est plus opportuniste. Ainsi, tandis que le très attendu Freedom de Jonathan Franzen paraît en septembre en grand format, les éditions Seuil ressortent ses romans précédents en collections de poche : Les corrections (Point Deux, août 2011) et Le cerveau de mon père (Points, août 2011).
La littérature de genre bénéficie également d'une session de rattrapage. Au rayon Science-fiction, on peut mentionner la parution du format poche d'Oussama de Norman Spinrad (J'ai Lu, août 2011), dans la rubrique polars, celle de La Patrouille de l'aube de Don Winslow (Le Livre de Poche, septembre 2011) et en catégorie Romans historiques, le dernier roman de Didier Daeninckx, Galadio (Folio, août 2011).
Les éditeurs de poche exhument aussi régulièrement des inédits ou rafraîchissent les éditions antérieures de la littérature classique. On peut mentionner ici une nouvelle traduction de Quelle époque !, le roman d'Anthony Trollope par Alain Jumeau (J'ai Lu, août 2011) et qui est d'abord parue chez Fayard en janvier 2010. Pour les amateurs de science-fiction, il faut aussi signaler une énième réédition de L'homme bicentenaire d'Isaac Asimov (Folio SF, octobre 2011). La dernière datait de 2003. Coté polar, la nouvelle traduction de Moisson rouge de Dashiell Hammett (Folio, octobre 2011) paraît enfin en format de poche, alors que nous fêtons le cinquantenaire de l'écrivain américain. Au total, l'édition de classiques représente près de 10% des ventes de livres de poche.
En France, contrairement aux pays anglo-saxons, les "Tie-in" (c'est-à-dire les livres adaptés au cinéma et dont les couvertures reproduisent généralement les affiches du film) sont généralement réservés aux livres de poche. Par exemple, les "remakes" de La Guerre des boutons d'Yves Robert par Christophe Barratier (La Nouvelle guerre des boutons qui doit sortir en salle le 21 septembre 2011) et par Yann Samuell (La Guerre des boutons dont la sortie est prévue le 14 septembre 2011) donne lieu à la réédition du roman éponyme de Louis Pergaud (La Guerre des boutons, Le livre de Poche, août 2011). La part totale des rééditions représente 35% de la production de poche contre 75% de nouveautés.

On considère que l'éditeur britannique Penguin a inventé le livre de poche en 1935. En France, Librairie des Champs-Élysées, dirigée par Albert Pigasse, est la première à proposer des livres en format réduit et à bon marché. Le premier titre du catalogue du Masque, Le Meurtre de Roger Ackroyd, d'Agatha Christie, paraît en 1927. En 1941, les éditions PUF lancent la collection Que sais-je ?. Dix ans plus tard, Seuil crée Microcosme, tandis que la collection emblématique du Livre de Poche est née en 1953. Depuis le poids économique des petits formats dans la production éditoriale n'a cessé de s'accroître. Les formats de poche représentent aujourd'hui 20% de la production en nombre d'exemplaires et un quart des ventes. Le livre de poche est dominé par cinq grandes maisons d'édition qui contrôlent une quinzaine de collections et se partagent un peu plus de 80% des parts de marché, dont 18 millions d'exemplaires vendus chaque année pour les éditions du Livre de poche et 14 millions pour Pocket. Editis, pour n'en citer qu'une, regroupe Pocket, 10/18, Pocket Jeunesse, Fleuve Noir et Kurokawa (une collection dédiée aux mangas).
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la majorité des titres sortent successivement en trois types de formats: le "Hardcover" (livre relié), puis le "Paperback" (livre broché) et enfin le "Mass Market" (livre de poche). Ce n'est pas le cas en France, même si on a vu apparaître des formats semi-poche, comme les collections Libretto chez Phébus ou Babel chez Actes Sud, dont les prix moyens sont plus élevés. Plus récemment, le secteur a vu naître la collection Totem aux éditions Gallmeister et dédiée à la littérature américaine. Par ailleurs, les frontières entre collections de poche et grand format sont devenues plus floues. La maison 10/18, par exemple, édite désormais des Grands formats.


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