Entre 1916 et 1937, le journaliste et dramaturge japonais Kidô Okamoto (1872-1939) publie Hanshichi Torimonocho, une série de nouvelles policières dont le héros est Hanshichi, un inspecteur du Shogunat sous l’ère d’Edo (1600-1868). L’auteur prétend s’être inspiré des histoires qui lui auraient été rapportées directement par un détective retraité d’Akasaka, un arrondissement de Tōkyō entre 1878 et 1947. Kidô Okamoto apparaît donc dès le premier volume, intitulé Fantômes et Samouraïs, sous les traits d’un jeune journaliste recueillant les confidences du vieil inspecteur.
Hanshichi serait né en 1823 à Nihonbashi, le quartier marchand d’Edo (ancien nom de Tōkyō). Toujours selon l’auteur, les affaires criminelles résolues par son héros dateraient des années 1850 et lui auraient été confiées aux alentours de 1890. Les aventures de l’agent du Shogunat comptent au total 68 nouvelles, mais une vingtaine seulement ont été traduites en français.
Lorsque Kidô Okamoto publie ses histoires, l’œuvre d’Arthur Conan Doyle (1859-1930) est déjà connue au Japon et les aventures de Sherlock Holmes rencontrent un vif succès. Aussi l’écrivain japonais s’en inspire-t-il. Son propre personnage, le journaliste, n’est pas sans rappeler le Dr Watson. Les deux détectives, quant à eux, usent de méthodes de déduction similaires, basées sur la logique. Elles viennent contredire les préjugés et explications surnaturelles de leurs contemporains. Ainsi, en dépit des titres qui évoquent des nouvelles fantastiques, il s’agit bien d’intrigues policières dont le dénouement est basé sur un raisonnement parfaitement cartésien.
Le premier recueil, Fantômes et Samouraïs, mettait en scène des guerrières et des personnages influents de l’administration shogunale. Dans celui-ci, Fantômes et kimonos, le lecteur croise un autre type de population : des jeunes filles de bonne famille, des domestiques, des « coquettes », des commerçants, des commis, des fauconniers, etc.
Au fil des pages et des rencontres, on apprend beaucoup sur la société nippone du milieu de 19ème siècle. Non seulement sur ses croyances et ses rites religieux, mais aussi sur la vie quotidienne et les relations sociales. Dans la première nouvelle, par exemple, on apprend que la possession d’une fauconnerie est un privilège du shogun. Un particulier qui élève clandestinement l’un de ses rapaces, s’expose donc à la peine de mort. De même, un fauconnier shogunal qui égare l’oiseau confié à ses soins doit se soumettre à la pratique du seppuku, le rituel de suicide par éventration. Dans la dernière nouvelle, on découvre que non seulement l’adultère est puni de mort, mais également qu’un domestique qui en serait témoin est considéré comme complice du crime. En revanche, la justice shogunale se montre parfois tolérante et peut tenir compte de circonstances atténuantes. Un complice, victime de sa crédulité ou animé d’un mobile jugé légitime, sera condamné à l’exil sur une île déserte plutôt qu’à la pendaison. Enfin, dans certains cas particuliers, les agents de justice font d’une preuve d’une certaine complaisance.
Fantômes et kimonos : Hanshichi mène l'enquête à Edo de Kidô Okamoto, Philippe Picquier (2008, 252 pages).
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