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Venise vue par Goethe

Le 3 septembre 1786, Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) quitte Carlsbad (aujourd’hui Karlovy Vary en République Tchèque) où il faisait une cure et accompagnait le duc Charles-Auguste, dont il était le conseiller intime. Son voyage se poursuit jusqu’en juin 1788. L'auteur de Faust s’arrête à Vérone, Vicence et Padoue.

Il séjourne également à Venise, à Ferrare, à Bologne, à Florence et à Pérouse. Le 29 octobre 1786, enfin, il arrive à Rome. De mars à mai 1787, Goethe repart pour le sud de l'Italie et la Sicile, accompagné du peintre Christoph Heinrich Kniep (1755-1855). Son récit de voyage est publié en 1816.

« On a déjà conté et publié beaucoup de choses sur Venise, et je ne m’attacherai pas à la décrire en détail. Je dirai seulement mes impressions personnelles. Mais ce qui me frappe avant tout le reste, c’est encore le peuple, c’est cette masse d’êtres vivants rassemblés par la nécessité et la contrainte. Ce n’est pas pour son plaisir que cette race s’est réfugiée dans ces îles ; ce ne fut point le caprice qui poussa ceux qui la suivirent à se réunir avec elle : la nécessité les instruisit à chercher leur sûreté dans la situation qui offrait le moins d’avantages et qui en présenta de si grands dans la suite et les civilisa, quand le Nord tout entier était encore plongé dans les ténèbres.
La conséquence nécessaire fut qu’ils se multiplièrent et s’enrichirent. Alors les habitations surgirent et se pressèrent de plus en plus ; le sable et le marais firent place aux rochers ; les maisons cherchaient l’air : comme les arbres qui sont enfermés, elles s’efforçaient de gagner en hauteur ce qui leur manquait en largeur. Avares de chaque pouce de terrain, et, dès l’origine, resserrés dans un étroit espace, ils ne laissèrent pas pour les rues plus de place qu’il n’était nécessaire pour séparer une rangée de maisons de celles de vis-à-vis et pour ménager aux habitants d’étroits passages. Du reste, l’eau leur tenait lieu de rues, de places et de promenades. Le Vénitien dut devenir un être d’une nouvelle espèce, tout comme Venise ne se peut non plus comparer qu’à elle-même. Le Grand Canal, qui serpente à travers, ne le cède à aucune rue du monde ; on ne peut rien mettre en parallèle avec l’espace qui s’étend devant la place Saint-Marc : je veux parler de ce grand miroir liquide, qui est enveloppé de ce côté, en forme de croissant, par la véritable Venise. Sur cette plaine on voit à gauche l’île de Saint-Georges-Majeur ; un peu plus loin, à droite, la Giudecca et son canal ; encore plus loin, à droite, la douane et l’entrée du Grand Canal, où je voyais briller deux vastes temples de marbre. Voilà l’esquisse abrégée des principaux objets qui frappent les yeux, quand on avance entre les deux colonnes de la place Saint-Marc. Toutes ces perspectives ont été gravées si souvent que les amateurs peuvent aisément se les représenter.
 »

Johann Wolfgang von Goethe, Œuvres, Voyages en Suisse et en Italie, De Vêrone à Venise, ed. 1862

Visites guidées:
Voyages en Suisse et en Italie de Johann Wolfgang von Goethe sur Wikisource
Compte-rendu de lecture du Voyage en Italie sur le blog Les mauvaises fréquentations
Critique de Voyage en Italie de Goethe sur Lepoint.fr
Goethe sur L’encyclopédie de l’Agora

Images
Détail du portrait de Goethe à la campagne, Rome, 1787. Par Johann Heinrich Wilhelm Tischbein (1751–1829)
La place Saint-Marc à Venise, vers 1742-1744, par Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697–1768)


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