Citathon (+ PLUS)

Istanbul vue par Lamartine

Après avoir visité Rome en compagnie de Chateaubriand, Alger avec Maupassant, Le Caire avec Nerval et Athènes avec Lamartine, nous poursuivons aujourd'hui notre escapade littéraire sur les pas du poète romantique.

Après son départ de France, le 11 juillet 1832, le poète poursuit son périple vers La Valette (22 juillet), Athènes où il ne passe que quelques jours) , Rhodes (24 août), Beyrouth (6 septembre), Jérusalem (28 octobre), Damas (2 avril 1833), avant d'arriver à Constantinople (Istanbul) en juin-juillet 1833.

« A cinq heures j' étais debout sur le pont ; le capitaine fait mettre un canot à la mer ; j' y descends avec lui, et nous faisons voile vers l' embouchure du Bosphore, en longeant les murs de Constantinople, que la mer vient laver : après une demi-heure de navigation à travers une multitude de navires à l' ancre, nous touchons aux murs du sérail, qui font suite à ceux de la ville, et forment, à l' extrémité de la colline qui porte Stamboul, l' angle qui sépare la mer de Marmara du canal du Bosphore et de la Corne-D' Or, ou grande rade intérieure de Constantinople ; c' est là que Dieu et l' homme, la nature et l' art, ont placé ou créé de concert le point de vue le plus merveilleux que le regard humain puisse contempler sur la terre : je jetai un cri involontaire, et j' oubliai le golfe de Naples et tous ses enchantements.
Comparer quelque chose à ce magnifique et gracieux ensemble, c' est injurier la création. Les murailles qui supportent les terrasses circulaires des immenses jardins du grand sérail étaient à quelques pas de nous, à notre gauche, séparées de la mer par un étroit trottoir en dalles de pierre que le flot lave sans cesse, et où le courant perpétuel du Bosphore forme de petites vagues murmurantes et bleues comme les eaux du Rhône à Genève : ces terrasses, qui s' élèvent en pentes insensibles jusqu' au palais du sultan, dont on aperçoit les dômes dorés à travers les cimes gigantesques des platanes et des cyprès, sont elles-mêmes plantées de cyprès et de platanes énormes, dont les troncs dominent les murs, et dont les rameaux, débordant des jardins, pendent sur la mer en nappes de feuillage et ombragent les caïques ; les rameurs s' arrêtaient de temps en temps à leur ombre ; de distance en distance, ces groupes d' arbres sont interrompus par des palais, des pavillons, des kiosques, des portes sculptées et dorées ouvrant sur la mer, ou des batteries de canons de cuivre et de bronze, de formes bizarres et antiques. Les fenêtres grillées de ces palais maritimes, qui font partie du sérail, donnent sur les flots, et l' on voit, à travers les persiennes, étinceler les lustres et les dorures des plafonds des appartements ; à chaque pas aussi, d' élégantes fontaines moresques, incrustées dans les murs du sérail, tombent du haut des jardins, et murmurent dans des conques de marbre, pour désaltérer les passants (…)

Quelques coups de rames nous portèrent en avant et au point précis de la Corne-D' Or, où l' on jouit à la fois de la vue du Bosphore, de la mer de Marmara, et enfin de la vue entière du port ou plutôt de la mer intérieure de Constantinople : là nous oubliâmes Marmara, la côte d' Asie et le Bosphore, pour contempler d' un seul regard le bassin même de la Corne-D' Or et les sept villes suspendues sur les sept collines de Constantinople, convergeant toutes vers le bras de mer qui forme la ville unique et incomparable, à la fois ville, campagnes, mer, port, rives de fleuve, jardins, montagnes boisées, vallées profondes, océan de maisons, fourmilière de navires et de rues, lacs tranquilles et solitudes enchantées, vue qu' aucun pinceau ne peut rendre que par détails, et où chaque coup de rame porte l' oeil et l' âme à un aspect, à une impression opposés. »


Alphonse de Lamartine, Constantinople dans Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, ou Note d'un voyageur

Visites guidées:
Un voyage en Orient d'Alphonse de Lamartine sur Wikisource
Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, (ou Note d'un voyageur) par A. de Lamartine sur Gallica
Lamartine, Voyage en Orient sur le site de l'Université de Toronto
Carte du voyage de Lamartine sur le site des éditions Arléa
Site consacré à Alphonse de Lamartine

Image:
Constantinople en 1856 par Ivan Aivazovsky (1817–1900)


Imprimé depuis Cafeduweb - Lecture (http://lecture.cafeduweb.com/lire/12861-istanbul-vue-par-lamartine.html)