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Pour mon plaisir et ma délectation charnelle - Pierre Combescot

Gilles de Rais, seigneur fortuné, héros de la Guerre de Cent ans, Maréchal de France et compagnon d'armes de Jeanne d'Arc est aussi un monstre sanguinaire qui viole, tue et démembre des centaines de jeunes garçons. Il se plait aussi à invoquer le diable et à dilapide sa fortune. Il meurt sur le bûcher après un procès retentissant au cours duquel il déclare n'avoir agi que pour son bon plaisir et l'assouvissement de ses désirs morbides. Pierre Combescot, nous raconte l'épopée sanglante de Gilles de Rais à la lumière des turpitudes d'une époque troublée par les conflits, les assassinats et les complots.

La première partie du roman, plutôt dense, est un rappel des lignages des grands seigneurs du temps et une succession d'évènements qui posent le contexte historique. Pierre Combescot décrit avec précision l'hécatombe de la bataille d'Azincourt en 1415, puis évoque les déroutes de la Maison de Valois, la montée en puissance d'Henri V d'Angleterre, le conflit entre Armagnacs et Bourguignons, l'assassinat de Jean sans Peur, la débauche de la reine Isabeau de Bavière et la folie de Charles VI. Viennent ensuite le temps de la restauration de l'autorité impériale, la croisade de Jeanne d'Arc et le sacre du roi Charles VII à Reims, le 17 juillet 1429.
Gilles de Montmorency-Laval (1404-1440), orphelin à dix ans et héritier de la baronnie de Bretagne et d'une immense fortune, grandi avec son frère, sous la tutelle de son sulfureux grand père, Jean de Craon, auquel leurs parents avaient pourtant voulu les soustraire. Guerrier insatiable, haïssant les femmes, Gilles s'illustre sur le champ de bataille où il goûte les joies de la promiscuité masculine et et cède sans doute très tôt à ses perversions. Il fait pourtant plus que consentir au mariage puisqu'il aurait enlevé Catherine de Thouars pour l'épouser, le 24 avril 1420. Il lui donne une fille avant de s'en détourner définitivement et de retourner à ses premiers penchants. Il participe à la guerre de Succession de Bretagne, s'illustre dans la guerre contre les Anglais et devient maréchal de France en 1429. Il participe à la reconquête du royaume au coté de Jeanne d'Arc à laquelle il voue une grande admiration. Il semblerait que cette fascination pour la Pucelle ait freiné pour un temps ses sanglantes ardeurs. Après la trahison de Georges de La Trémoille, l’échec du siège de Paris, la mort de Jeanne d'Arc et le discrédit de Gilles de Rais à la Cour de France, plus rien semble pouvoir freiner la chute du seigneur de Machecoul et de Champtocé.
Il dépense des sommes considérables dans le Mystère du siège d'Orléans, des reconstitutions de cette bataille décisive de la Guerre de Cent Ans. Il dilapide si bien sa fortune que le roi doit intervenir et interdire à quiconque d'acheter ses terres. Gilles se tourne vers l'alchimie, dont il espère tirer les ressources nécessaires à son train de vie dispendieux, puis s'entiche d'un prêtre Florentin, François Prelati qui prétend faire appel au diable. Les historiens pensent que c'est à cette période qu'il commence à enlever des enfants. Il dispose pour cela d'une cohorte de complices, chargés de rabattre les garçons comme s'il s'agissait de simples gibiers puis de faire disparaître les traces des crimes perpétués par leur maître. Ils jettent les corps dans les douves des châteaux, brûlent les vêtements des victimes dans les cheminées, lavent les sols à grande eau pour faire disparaître les mares de sang. Combien de jeunes Pages et paysans ont ainsi succombé aux promesses de vie meilleure de ses vils pourvoyeurs ? Nul ne le sait avec certitude. Plus d'une centaine, selon Pierre Combescot.

Si l'écrivain cherche les motivations de ce Barbe Bleue pédophile, il faut dire que le lecteur s'interroge à son tour sur les siennes. Qu'est-ce qui peut inciter un romancier à choisir un sujet dont les risques d'écueils se présentent à chaque tournant de page ? Comment ne pas tomber dans le voyeurisme et la fascination du morbide ? En réalité, il suffit de se pencher un peu sur la bibliographie de Pierre Combescot. Celle-ci semble gouverner par une quête qui serait l'introspection de l'âme humaine à travers l'histoire : Louis II de Bavière (Lattès, 1973), Les Filles du Calvaire (Grasset, 1991), Les Petites mazarines (Grasset, 1999), Les Diamants de la guillotine (Laffont, 2003) ou Ce soir on soupe chez Pétrone (Grasset, 2004).
Le style de Pierre Combescot reste sobre, en dépit des faits qu'il décrit. La première partie du livre est un peu fastidieuse à cause des méandres de lignages seigneuriaux et des évènements politiques, mais paraît nécessaire au propos qui, s'en cela, serait réduit à un fait divers moyenâgeux.

Pour mon plaisir et ma délectation charnelle de Pierre Combescot, Le Livre de Poche (avril 2011), 153 pages.


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