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De briques et de sang - Régis Hautière et David François

Les Amiénois (mais ils ne sont pas les seuls) connaissent le duo Régis Hautière (scénariste) et David François (illustrateur) depuis quelques années déjà, grâce à L’étrange affaire des corps sans vie, dont l'intrigue se situe dans la capitale picarde. C'est donc presque sans surprise que nous les voyons confirmer leur talentueuse collaboration avec De briques et de Sang, une bande dessinée sélectionnée pour l'édition 2011 du festival d'Angoulême... un excellent cru décidément (voir le billet consacré à La Marche des crabes d' Arthur de Pins).


Le théâtre des événements, cette fois, n'est autre que le Familistère de Guise, dans l'Aisne, connue aussi pour son château dont la restauration est assurée par une association de bénévoles. Le père du familistère est Jean-Baptiste Godin, un ancien artisan ayant fait fortune grâce à ses brevets. En dépit de sa réussite, cet industriel utopiste, ne dédaigna jamais ses premières convictions et consacra sa fortune à l'élaboration d'une communauté s'inspirant des phalanstères de Charles Fourier. Le projet ne ressemblait à rien de connu et surtout pas au modèle paternaliste développé par les grands patrons du 19ème siècles (ex les Corons dans le Nord et autres cités ouvrières de France, de Belgique ou de Grande-Bretagne). A Guise (prononcez Gwi pour la ville, tandis qu'on dira Gui pour les ducs de Guise), les ouvriers étaient libre de s'installer ou non dans le « Palais social » et, surtout, d'en devenir propriétaires. Les habitants du familistère formaient ainsi une sorte de coopérative (plus qu'une société d'actionnaires) qui incluait l'usine. Les bénéfices étaient réinvestis dans l'aménagement du lieu ou dans la fabrique. Le complexe, véritable ville dans le village (jusqu'à 1500 habitants au début du 20ème siècle), comprenait également des parties communes comme l'économat, la pouponnière, la piscine, les jardins, les théâtres et les écoles. Tout ça, Régis Hautière, le raconte sans lourdeur dans la bande dessinée.


Ce lieu, où tant de gens travaillaient et vivaient ensemble, semble le cadre idéal pour une série de drames. C'est ainsi, qu'à la veille de la première guerre mondiale, des crimes sordides viennent troubler le quotidien de la communauté. Le flic chargé de l'enquête est proche de la retraite et souhaite plutôt s'assurer un avenir politique dans la région. Autant dire qu'il plie le dossier dès que l'occasion se présente, à savoir un coupable potentiel. Néanmoins, un journaliste travaillant pour le tout jeune journal de Jean Jaurès, L'Humanité, se sent, lui, investi d'une mission à la mesure de ses convictions. Une brève mais instructive rencontre avec Ada, une habitante du familistère, lui ouvre bientôt les portes du Palais et à une histoire bien différente.

Le scénario est parfaitement ficelé tandis que les dessins, sombres et magnifiques, reflètent bien l’atmosphère du lieu. Quoi qu'en disent les auteurs, on retrouve dans cette œuvre, si ce n'est le trait exact, du moins la patte de David François, révélée dans L’étrange affaire des corps sans vie. Je vous recommande donc vivement de lire De briques et de Sang, mais aussi le précédent roman graphique de David François. Pour ma part, je vais sérieusement m'intéresser aux autres travaux de Régis Hautière.

Titre: De briques et de sang
Auteurs: Régis Hautière et David François
Editeur: KSTR
Parution: septembre 2010
Pages: 146


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