Horreur (+ PLUS)

Dracula l'immortel - Dacre Stoker & Ian Holt

La "suite officielle" de Dracula est en réalité un produit (marketing) contemporain, qui se nourrit à la fois des notes manuscrites de Bram Stoker, de la littérature gothique en générale et de l'évolution du mythe du vampire dans l'imaginaire du 21ème siècle. Certains ont crié à l'imposture ou à la trahison et on ne peut guère leur reprocher. Le livre est certes agréable à lire, si on est amateur du genre, mais il tient davantage de l'hommage ou du pastiche que de l'ouvrage "à la manière de".

Dans l'introduction, Dacre (qui n'est autre que l'arrière petit neveu de Bram) écrit qu'il s'est attaché à « préserver l'essence même du roman original ». Il a donc ressuscité les personnages crées par son ancêtre, exhumés ceux qu'il avait abandonné dans la version finale (tel l'inspecteur Cotford) et en a convoqué de nouveaux (comme Quincey, le fils des Harker). Les héros originaux prennent un petit coup de vieux, puisque 25 années se sont écoulées depuis la mort du comte Dracula. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont perdu de leur panache: Jonathan Harker est devenu alcoolique, Mina s'est transformée en une ménagère frustrée, Jack Seward a sombré dans les méandres de la drogue et de l'obsession revancharde, Abraham Van Helsing n'est plus qu'un vieillard fragile, tandis que le flambant Arthur Holmwood, rongé par le chagrin, se complait dans l'auto-flagellation et l'aigreur. D'un point de vu strictement psychologique, cela se tient, mais c'est une infidélité au genre littéraire.
Si le roman s'ouvre par une lettre de Mina à son fils (dont le but est de présenté au lecteur un résumé du Dracula de Bram), le style épistolaire qui faisait l'originalité de l’œuvre originale a été écarté. Le journal de Jack Seward fait néanmoins office de clin d’œil anecdotique.
Bien d'autres éléments écartés par Bram Stoker ont ainsi été recyclés. Dacre prétend pieusement vouloir « sauvegarder le patrimoine littéraire familiale » dont les droits ont échappé aux Stoker à cause de la négligence de l'écrivain irlandais. Dans les faits, on ne peut s'empêcher de penser que l'arrière petit neveu le pille à son profit.

Sans doute le Dracula du 19ème siècle n’impressionne-t-il plus les lecteurs d'aujourd'hui, abreuvés de films d'horreurs, de jeux vidéos hyper-réalistes et souvent assez violents. De fait, dans le roman Dacre Stoker & Ian Holt, les scènes sont un tantinet plus gores et surtout beaucoup plus visuelles (propices à une adaptation cinématographique). Plus grave, selon moi, sont les dégâts occasionnés par le syndrome Twilight et qui ramollissent les vampires contemporains. On peut bien-sûr s'amuser du renversement des rôles et des situations, mais on ne peut en aucun cas prétendre que l'esprit du Dracula originel habite le roman. Au mieux, Dacre Stoker & Ian Holt s'en inspirent, comme ils usent de tous les éléments à leur disposition pour frapper l'esprit de leurs lecteurs. Jack l'éventreur et la sanguinaire comtesse Báthory ont ainsi été appelés à la rescousse. Encore une fois, pourquoi pas, du moment qu'on ne prétend pas être fidèle à l’œuvre de Bram Stoker.

Titre: Dracula l'immortel
Version originale: Dracula The Un-Dead
Auteurs: Dacre Stoker & Ian Holt
Editeur: Le Livre de Poche
Parution: Septembre 2010
Pages: 537


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