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Turpitudes - Olivier Bocquet

Ce thriller est né d'une initiative originale puisqu'il le manuscrit a été sélectionné grâce au vote des internautes, dans le cadre du concours Thrillermania, organisé par les éditions Pocket et le site web evene.fr. Concernant son auteur, on ne saura pas grand chose si on se fie à la biographie insérer en première page du roman, en dehors du fait qu'Olivier Bocquet « vit dans la fiction » et qu'il ne faut pas croire tout ce qu'il dit. S'agit-il d'une pirouette pour s'affranchir de ce roman s'inspirant de faits divers "authentiques" survenus dans la bonne ville de Fontainebleau en décembre 2003? Le mystère est savamment entretenu, d'autant que, dans un premier temps, l'auteur se cache derrière un pseudonyme et refuse de dévoiler jusqu'à son visage.

A priori, la tranquille ville de Fontainebleau n'a rien de commun avec un no man's land de banlieue où des jeunes désœuvrés terrorisent le voisinage, ni même à une cité circonscrite par la mafia où des mandarins sans scrupules falsifient les comptes publics. On imagine plutôt un cadre de vie petit-bourgeois, ou les week-end en famille se partagent entre les visites au château, les promenades en forêt et les randonnées équestres. Olivier Bocquet s'ingénie à casser méthodiquement cette image de carte postale dans un polar rondement mené où les événements se succèdent crescendo et s'imbriquent inextricablement. Certains chapitres sont introduits par une reproduction de coupure de journaux relatant un sordide fait divers. Pédophilie, violences domestiques, règlements de comptes de voisinage, catastrophes écologiques et sanitaires... autant d'exemples qui tendent à prouver que les drames quotidiens ne sont pas le privilège des zones sinistrées. « Comment en est-on arrivé là? »: c'est la question à laquelle Olivier Bocquet s'est donné l'impossible mission de répondre à travers ce polar. Plusieurs personnages se débattent au fil des pages, dans une valse cruelle qui s'achèvera par la mort des uns et la survie des autres (car aucun, bien-sûr, n'en sortira indemne). Parmi eux, il y a François, dont la vie de couple se désagrègent depuis le dépôt de bilan de sa start-up; Elias, un jeune SDF qui survit grâce à de dangereux expédients; Robert, le sénateur-maire peu scrupuleux; Eva, l'ancienne prostituée qui tente de combler le vide de sa vie bourgeoise en s'investissant dans une multitude de causes humanitaires; Karen, l'adolescente perturbée; Fisher, bourreau impuni de la guerre d'Algérie... en dépit des apparences leurs destins sont liés de manière irréversible.

Personnellement je préférais le titre original du roman Les minicrobes, qui s'est transformé en Turpitudes pour de mystérieuses raisons éditoriales. Les Minicrobes, nous explique l'un des personnages, sont des parasites. «Un jour, dans un but que j'imagine pédagogique, ma mère m'a expliqué ce qu'étaient les microbes. (…). Avec mon esprit d'enfant j'avais transformé tout ce qu'elle m'avait raconté.(...). D'abord, je pensais qu'il s'agissait de Minicrobes et n'ont pas de microbes. (...) Des personnages. Je pensais que les Minicrobes étaient des êtres minuscules qu'on ne pouvait pas voir, mais qui étaient partout (…). On ne les voyait pas mais ils étaient méchants, ils salissaient tout, ils abîmaient tout, rendaient les gens malades. Et le plus fort, c'est qu'ils arrivaient à salir les choses sans qu'on s'en aperçoive! (…) Regarde cette ville. Derrière les façades Renaissance des hôtels particuliers, derrière le vernis de respectabilité qui glace la ville comme une carte postale, derrière les sourires, les parfums et les vêtements chic, dans chaque maison ça grouille de Minicrobes. On les croise tous les jours, ils ont l'air propres irréprochables, mais si on gratte un peu, juste du bout de l'ongle, on découvre la pourriture. (Pages 213-214).

Titre: Turpitudes
Auteur: Olivier Bocquet
Éditeur: Pocket
Parution: Avril 2010
Pages: 338


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