Baromètre du livre (+ PLUS)

Maman, les petits livres...

C'est une banalité de dire que dans nos sociétés il importe d'être toujours le premier en tout. Le monde littéraire n'échappant pas à la règle, les éditeurs, les libraires et les journalistes commandent des tas d'études statistiques et établissent continuellement des classements. Il s'agit de savoir qui vend le plus de livres et combien temps l'heureux gagnant se maintient en tête de liste. Ainsi, il en vendra encore plus. La littérature de jeunesse est également soumise à la dictature du bestseller. Parallèlement, les éditeurs ont inventé un nouveau concept : la littérature "crossover" (littéralement mélange, croisement), des romans s'adressant à la fois aux enfants et aux adultes.

Le 3 mars dernier le Telegraph a publié les résultats d'une étude réalisée à l'occasion du World Book Day (Journée Mondiale du Livre) et visant à élire les 20 meilleurs livres pour enfants.
Au total, 4000 parents et enfants âgés de 2 à 11 ans ont été sondés. Le but initial était de sélectionner les meilleurs auteurs britanniques dans le cadre de la relance des Munch Bunch, une célèbre série de livres pour enfants publiées entre 1979 et 1984. L'étude montre que les livres illustrés sont en bonne place. En effet, la grande gagnante du sondage est la chenille gloutonne d'Eric Carle, qui se goinfre de fruits et de pâtisseries avant de sortir de sa chrysalide pour se transformer en un magnifique papillon. The Very Hungry Caterpillar (sortie en français sous le titre La chenille qui fait des trous), qui s'adressent aux enfants à partir de 2 ans, est paru pour la première fois en 1969. L'album a été traduit en 47 langues et il s'en vend un exemplaire par minute dans le monde. Winnie l'ourson, créé par A. A. Milne en 1926, arrive en 4ème position et Gruffalo de Julia Donaldson à la 5ème place.
Une première surprise vient des auteurs de romans puisque J.K.Rowling (19ème place) est loin de détrôner Roald Dahl, l'auteur du Bon Gros Géant (3ème), Matilda (7ème), Les Sorcières (13ème), Les Deux Gredins (14ème) et James et la Pêche géante (15ème). Charlie et la Chocolaterie n'apparaît pas dans le palmarès. On note, par ailleurs, qu'en dépit des collections de poche modernes, les classiques continuent de séduire... les parents, si ce n'est les enfants.
C. S. Lewis (1898-1963) et ses Chroniques de Narnia arrivent 2ème rang, tandis que Beatrix Potter, Lewis Carroll, Frances Hodgson Burnett ou J.M. Barrie occupent des places honorables. La nostalgie parentale transpire encore dans le choix de séries datant des années 70-80, comme les Monsieur/Madame de Roger Hargreaves. L'étude monte d'ailleurs que 7 parents sur 10 lisent avec leurs enfants. Parmi les ouvrages cités, il y a encore Le club des cinq d'Enid Blyton, Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, Le Chat chapeauté de Theodor Seuss Geisel alias Dr. Seuss, Les contes d'Andersen et Un chant de Noël de Charles Dickens.

Quelques jours après le Telegraph, le Los-Angeles Times a publié un article consacré à la littérature dite "crossover". Ainsi que l'explique la journaliste, Susan Carpenter, les adultes ont toujours eu un œil sur les lectures de leurs enfants. Le but étant principalement éducatif. Mais, depuis quelques années, nous assistons à un étrange phénomène : voilà que papa et maman piquent les bouquins de leur progéniture et les dévorent avec autant d'assiduité ! Fini les lectures d'adultes vaccinés, à nous les Stephenie Meyer, J.K.Rowling, Suzanne Collins (Hunger Games paru en France chez Pocket Jeunesse), Rick Riordan et autres Markus Zusak (La Voleuse de livres). Résultat: aux Etats-Unis, les ventes de livres pour adultes ont chuté de 17.8 % au premier semestre 2009 tandis que ceux destinés aux enfants et aux jeunes adultes augmentaient 30,7 % l'année précédente. L'étude publiée par le Washington Post confirme la tendance mais relativise les perspectives en ramenant les chiffres sur une année entière (+6% contre -4 à -2%).
Kris Vreeland, chef de rayon du département Jeunesse dans une librairie de Pasadena (Californie), explique que ce phénomène est lié, d'une part au succès de la saga Twilight et, d'autre part, à une plus grande reconnaissance du genre. Il cite, par exemple, Sherman Alexie auteur de nombreux romans et notamment d'un livre pour enfant, The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian (traduit en français sous le titre Le premier qui pleure a perdu), récompensé par le prestigieux National Book Award en 2007. Par ailleurs, la littérature enfantine s'est considérablement diversifiée et offre une impressionnante panoplie de genres littéraires, depuis la science-fiction en passant par la fantasy, les romans policiers, des romans historiques... Bref, il y en a pour tous les goûts. A cela s'ajoute la médiatisation des ouvrages dont certains sont adaptés au cinéma ou à la télévision, tels Quatre filles et un jean d'Ann Brashares ou les aventures de Percy Jackson de Rick Riordan... Par ailleurs, plusieurs écrivains renommés se sont passés de la littérature traditionnelle à la littérature de jeunesse comme James Patterson, Carl Hiaasen, Francine Prose ou Terry Pratchett.
Selon Lizzie Skurnick, auteur d'un essai sur la littérature de jeunesse et chroniqueuse au Times, les auteurs se prennent moins au sérieux. Cet état d'esprit les rend paradoxalement plus créatifs que leurs homologues, dont le principal objectif est de décrocher de prestigieux prix littéraires. Les adultes seraient séduits par des auteurs de jeunesse, jugés plus vibrant, avec des personnages plus fouillés et des intrigues plus riches. Par ailleurs, les lecteurs nés dans les années 60-70 ont été marqués par les écrivains de leur jeunesse, une période audacieuse qui a vu naître des romanciers moins guindés comme Judy Blume, Madeleine L'Engle ou Robert Cormier. Cecil Castellucci, auteur de plusieurs romans pour les adolescentes, est persuadée que nous entrons dans l'age d'or de la littérature de jeunesse.

Le potentiel de la littérature enfantine n'a pas échappée aux médias. Le New-York Times, par exemple, publie chaque semaine des listes séparées des meilleures ventes d'albums, des livres en grand format, des poches et des séries. Le Guardian enfin, consacre une rubrique dédiée à la littérature de jeunesse. Le 12 mars dernier, le quotidien britannique a publié un portrait des 10 personnages les plus représentatifs de la littérature pour enfants. Parmi les élus, on retrouve Matilda Wormwood, l'héroïne de Roald Dahl et Sara Crewe, celle de Frances Hodgson Burnett. Le journal cite encore quelques classiques comme Fifi Brindacier (Astrid Lindgren) et Huckleberry Finn (Mark Twain) et des contemporains tels Lyra Belacqua dans la série À la croisée des mondes de Philip Pullman et Tracy Beaker, l'une des héroïnes de Jacqueline Wilson. Harry Potter qui emportait l'unanimité des parents comme des enfants (du moins si on se fie aux ventes de livres et au nombre d'entrées au cinéma) semble avoir été banni de cette galerie.


Les livres préférés des enfants
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