Titre: Mattéo t1, première période (1914-1915)
Auteur: Jean-Pierre Gibrat
Editeur: Futuropolis
Année: 2008
Pages: 63

Après deux remarquables séries consacrées à la seconde guerre mondiale, "Le vol du corbeau" et "Le sursis", le dernier album de Jean-Pierre Gibrat ouvre un nouveau cycle qui couvrira les deux guerres mondiales, la révolution russe et la guerre civile espagnole.
 
Le premier volet de l'histoire de Mattéo, jeune idéaliste et fils d'un anarchiste espagnol émigré à dans le sud de la France, débute avec l'assassinat de Jean-Jaurès. Mattéo a 20 ans. Son père a disparu en mer des années plus tôt mais il mène une existence insouciante auprès de sa mère. Il partage son temps entre la restauration de son bateau, les conversations avec son ami Paulin, un artiste peintre, et les promenades avec la belle Juliette. En ce mois d'août 1914, l'atmosphère est à l'allégresse. Toute la jeunesse est mobilisée, y compris Guillaume de Brignac, le fils aîné du notable local, engagé dans l'aviation. Mattéo, en sa qualité d'étranger, reste au village avec les femmes et les vieux. Antimilitariste par héritage, il n'en finit pas moins par se sentir très mal à l'aise. Les regards en coin des voisins qui le traitent de planqué derrière son dos, et surtout les soupirs de Juliette qui n'a plus que le nom de Guillaume à la bouche, finissent par avoir raison des arguments maternels, des courriers désespérés de Paulin, et même les annonces de morts en provenance du front. C'est ainsi que Mattéo, qui n'avait pas l'âme d'un patriote ni celle d'un héros, rejoint le bourbier mortel des tranchées dans l'est de la France.
 
Les illustrations de Jean-Pierre Gibrat impressionnent toujours par l'élégance du trait et la beauté des couleurs. Comme les albums précédents, les dessins ont été réalisés à l'aquarelle avec une alternance de vignettes lumineuses et de planches plus sombres pour les scènes de guerre. Le scénario est à l'avenant: parfaitement peaufiné. La narration, assurée en voix off par Mattéo, mêle la poésie et la colère de l'écorché vif.
 
A lire aussi: "Putain de Guerre" (Casterman, 2008, 67 pages) de Jacques Tardi et "La mémoire des vaincus" (Livre de Poche, 1992, 558 pages) de Michel Ragon