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Le Crayon du Charpentier - Manuel Rivas

Il passe son temps à dessiner avec un gros crayon rouge, un crayon de charpentier, le porche de la cathédrale où il a donné à chaque personnage biblique le visage de ses compagnons d’infortune. Herbal, garde civil franquiste, fait son métier sans aucun état d’âme, tuer pour lui c’est un ordre comme un autre. Il suit avec intérêt...

... l’avancement du travail du peintre. Jusqu’au soir où il doit l’emmener en « promenade » ; les « paseadores » sont des promenades nocturnes pendant lesquelles les prisonniers sont froidement exécutés après avoir été torturés.

Cette fois Herbal n’est pas à l’aise dans son crime ; distraitement il va ramasser le crayon du jeune artiste et chaque fois qu’il le mettra derrière l’oreille, comme on le fait avec ce type de crayon, celui-ci se mettra à parler à Herbal, la voix du peintre va devenir la conscience du franquiste. A travers le crayon, le peintre va tenter de faire prendre conscience à Herbal de la beauté des choses, qu’il ne faut pas toujours obéir aveuglément aux ordres que l’on reçoit.

C’est aussi la voix du peintre qui va obliger Herbal à sauver la vie de Daniel Da Barca, un docteur prisonnier également. Il va l’inciter à favoriser l’amour du docteur avec Marisa Mallo, la femme que le garde aime secrètement depuis de longues années.
Daniel Da Barca est un homme épris de liberté pour qui défendre les opprimés est primordial. Il fascine le franquiste même si ce dernier ne se l’avoue pas.

C’est surprenant comme parfois un petit livre (un peu plus de 200 pages) a beaucoup à raconter.
Ecrit sous la forme d’un témoignage, « Le crayon du charpentier » est de ces livres dont on a l’impression qu’en parler va en éteindre le feu, qu’on ne va pas lui rendre justice.

J’ai été emportée par la petite voix intérieure de cet homme de main fasciste, qui va se retrouver face à un homme qu’il hait et à qui son destin sera définitivement lié, jusqu’aux trains de la mort et aux camps. A travers les horreurs de la guerre il y a comme une lueur d’espoir.

J’ai cependant trouvé un peu « cliché » ce prisonnier, riche bourgeois cultivé, face à la brute qu’est son gardien, fins de pauves paysans, comme s’il fallait toujours que ce soient les pauvres qui soient des bourreaux que le pouvoir manipule. Bref le médecin humaniste et la brute sanguinaire, c’est le seul bémol que je trouve à cette histoire qui m’a à la fois émue et mise mal à l’aise.

La littérature espagnole, comme le cinéma d’ailleurs, aime à mélanger la réalité parfois sordide et le surnaturel. Parfois j’y accroche, parfois pas. Ici je n’ai pas accroché immédiatement, puis j’ai relu, et relu encore ; je ne suis pas toujours très à l’aise face au manque de conscience d’un être comme Herbal. C’est pour cela que je ne lirai pas ces « Bienveillantes » dont on fait grand cas et qui comprend plus de 800 pages, car je ne suis toujours pas persuadée que ce type de livre soit nécessaire à la mémoire universelle et certainement pas en de telles proportions.

A propos de l’auteur :

Manuel Rivas est né à La Corogne en 1957, soit vingt ans après les événements décrits dans son roman. Il est à la fois journaliste, romancier, essayiste et poète ; il a commencé à travailler jeune dans la presse, après avoir obtenu une maîtrise en Sciences de l’information.
Il collabore encore actuellement à plusieurs médias galiciens et espagnols, tels El Pais, Diario de Galicia. En tant que journaliste Rivas a toujours été proche des problèmes sociaux et écologiques, il est l’un des membres fondateurs de Greenpeace.

Son œuvre littéraire est écrite en galicien. Une partie de sa poésie a déjà remporté des prix littéraires importants et l’un de ses romans a obtenu le Prix National espagnol du roman en 1996 (Qué me quieres, amor ?).

« Le Crayon du Charpentier » est son plus important succès littéraire et a obtenu le Prix de la Critique espagnole ainsi que le prix de la section belge d’Amnesty International.

Manuel Rivas est considéré par beaucoup de lecteur comme un porte-parole officieux de son pays à travers l’Espagne. Pour ces amis, il est « Manolo » ; il a baptisé sa Galice natale, province espagnole située au nord du Portugal « Le bonsaï de l’Atlantique ». La Galice possède un esprit d’indépendance aussi fort qu’en Catalogne.


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